Plus de deux ans après le début de son installation en France, en décembre 2015, Linky ne fait toujours pas l’unanimité. Le compteur électrique « nouvelle génération » d’Enedis, qui a vocation à remplacer les 35 millions de vieux compteurs d’ici 2021, continue d’attiser la polémique et d’entraîner des levées de boucliers chez certains de ses opposants. Dont la rengaine est connue depuis longtemps : le boîtier, parce qu’il peut « communiquer » les informations liées à la consommation électrique des ménages, via le « courant porteur en ligne », est un danger pour la vie privée et la santé des Français.
Économies d’énergie
Le récent rapport annuel de la Cour des comptes, s’il ne valide en aucun cas ces craintes, les cite d’ailleurs expressément. Et assure que les compteurs communicants « peuvent faire naître des inquiétudes en matière sanitaire, du fait des techniques de télécommunication mises en œuvre, et en matière de protection de la vie privée, du fait de la finesse et de la couverture des informations disponibles ». Les sages de la rue Cambon regrettant avant tout le manque d’informations au public sur le sujet plutôt que la réalité desdits risques. Plusieurs études ayant d’ores et déjà été publiées pour les dissiper.
La Commission nationale informatique et libertés (CNIL), l’Agence nationale des fréquences (ANFR) ou encore l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), se sont succédé, ces dernières années, pour renseigner sur toutes les garanties liées à la vie privée et à l’innocuité de l’appareil. Qui ne fera pas transiter les « informations électriques » des ménages, si ces derniers s’y opposent, et dont le rayonnement électromagnétique est bien inférieur à celui de certains appareils du quotidien, comme un four micro-ondes ou un radioréveil.
Linky, dont le déploiement est prévu par la loi relative à la transition énergétique adoptée en 2015, est l’une des pierres angulaires du nouveau paradigme énergétique français, qui vise à inclure davantage d’énergies bas carbone, voire décarbonées, et laisser sur la touche les énergies les plus polluantes. Le compteur communicant, à terme, doit permettre l’arrivée massive des renouvelables sur le réseau, dont la production par le citoyen sera d’ailleurs facilitée. Et d’après Enedis, le suivi de leur consommation en direct — à partir d’une plateforme Internet — par les ménages devrait inciter ces derniers à réaliser des économies d’énergie. Donc pécuniaires.
Dérèglement climatique
Une ambition validée par une étude du CNRS qui, en 2012, avait lancé l’expérience TicElec, afin d’observer d’éventuels changements de comportement chez des personnes pourvues d’outils techniques les informant sur l’état de leur consommation. Résultat : « Plus on est averti, moins l’on consomme », notent les chercheurs, qui ont constaté une baisse globale de la consommation chez les ménages ayant accès à ces informations. Un point que reconnaissent également les auteurs du rapport de la Cour des comptes, qui précisent cependant que, pour l’instant, les avantages économiques sont encore assez faibles.
Est-ce une raison pour refuser purement et simplement Linky ? Sans doute pas. Comme toute innovation — voire petite révolution —, le boîtier d’Enedis a besoin de temps pour prouver son efficacité — son utilité n’étant, quant à elle, plus à démontrer. Une réalité comprise par les plus jeunes, mais non pas par les « seniors » qui représentent la grande majorité des anti-Linky. D’après la doctorante en sociologie, Aude Danieli, « tout projet technique suscite des appréhensions relatives à l’environnement, la santé ou la vie privée », notamment chez les anciennes générations.
Pourtant, « se priver de ces compteurs “nouvelle génération”, c’est refuser les mécanismes fondamentaux à la transition énergétique », affirmait Jean-François Carenco, l’actuel président de la Commission de régulation de l’énergie, au début du mois de mars. Dès lors, refuser Linky est un drôle de message envoyé à la jeunesse, qui subira de plein fouet les effets du dérèglement climatique s’il se poursuit de la sorte. Le compteur d’Enedis n’est certes pas la réponse miracle à cette problématique, mais ne vaut-il pas mieux une solution perfectible avec le temps qu’aucune solution du tout ?