Europacity aurait-il un grand frère américain ? Inauguré le 15 mars dernier, le nouveau quartier Hudson Yards de New York impressionne par ses dimensions et ses atouts technologiques. Mais les deux projets immobiliers sont-ils similaires ? Le contesté complexe de loisir français est-il comparable au nouveau quartier de la grande pomme ?
Il aura fallu presque sept ans de construction et 16 milliards de dollars pour que le nouveau quartier d’Hudson Yards, érigé sur une gigantesque dalle de béton recouvrant un dépôt ferroviaire, prenne enfin vie. Longtemps désert et confiné à la périphérie de la ville, Hudson Yards aspire désormais à devenir un haut lieu de la vie des habitants et un emplacement touristique incontournable de New York.
Inauguré le 15 mars dernier, ce nouveau complexe immobilier se veut à la pointe de la technologie, notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement. Un projet ambitieux, prestigieux et innovant, mais qui a aussi longtemps suscité la polémique. Des caractéristiques qui rappellent le projet Europacity en France.
Europacity, c’est le fameux « quartier de loisir » présenté comme le 21e arrondissement d’une ville de Paris exsangue et saturée, particulièrement d’un point de vue touristique. Prévu pour 2024, il doit sortir de terre dans le triangle de Gonesse dans le Val d’Oise, sur la ligne 17 prévue dans le cadre du Grand Paris.
Un projet immobilier gigantesque porté et financé par le français Auchan et le chinois Wanda à hauteur de 3 milliards d’euros. Si les sommes engagées rappellent le projet américain, c’est aussi l’audace architecturale et les ambitions écologiques qui permettent de dresser un parallèle entre les deux projets.
Là où Europacity promet une autonomie énergétique garantie par des panneaux solaires et la mise en place d’un modèle en circuits courts entre la ferme urbaine et les restaurants avoisinants, Hudson Yards propose son propre système de traitement des déchets dans une ville connectée et intelligente, pour optimiser la consommation d’électricité. Les deux complexes immobiliers défendent la réintroduction de la nature en ville, à travers la multiplication des espaces verts : ainsi, Europacity annonce la création d’un immense parc et la réintroduction d’espèces animales et végétales typiques de l’Île-de-France qui avaient disparu de la zone de Gonesse depuis des décennies.
Les grands noms de l’architecture « nouvelle génération » ont d’ailleurs été mobilisés pour chacun des deux projets, notamment l’anglais Thomas Heatherwick à New York ou le danois Bjarke Ingels dans le Val d’Oise. Des architectures audacieuses pour des espaces qui doivent devenir de hauts lieux du tourisme pour chacune des deux métropoles. La concurrence est forte entre les grandes villes du globe pour attirer le flux de visiteurs et notamment le tourisme haut de gamme, avec des boutiques prestigieuses dans le nouveau quartier new-yorkais ou des hôtels 4 étoiles à Europacity.
Mais la comparaison ne s’arrête pas là : Europacity et Hudson Yards ont tous les deux rencontré de nombreuses critiques et une forte opposition. La démesure des deux projets a longtemps été conspuée. Les opposants à Hudson Yards ont critiqué un complexe immobilier largement subventionné par les aides fédérales, pour un nouveau quartier essentiellement destiné aux plus riches. Rien de tel avec Europacity, puisque le projet est entièrement financé par des fonds privés, mais une critique sur l’impact environnemental potentiel du projet, jugé insatisfaisant.
Europacity plus populaire, Hudson Yards plus locatif
Pour comprendre le projet Europacity, faut-il regarder de plus près Hudson Yards ? Oui et non. Le nouveau quartier de la grosse pomme a balayé les critiques et désormais, le nouveau complexe immobilier fait l’unanimité. Mais il se différencie d’Europacity par sa dimension locative très importante.
Le nouveau quartier vert et connecté de Manhattan a permis ainsi de soulager la pression immobilière à New York avec la construction de milliers de nouveaux appartements. Mais ceux-ci sont encore largement destinés à une clientèle très haut de gamme, avec plusieurs millions de dollars par logement. Une optique radicalement différente d’Europacity, où la présence de deux aéroports (le Bourget et Roissy) rend impossible toute construction locative dans la zone du triangle de Gonesse. Ce qui n’empêche pas le projet français d’avoir une dimension « sociale » très avancée, puisqu’il prévoit la création de près de 10 000 emplois, en grande partie destinés aux villes et aux quartiers avoisinants et touchés depuis de nombreuses années par un fort taux de chômage.
Sur la forme, les deux projets retrouvent bon nombre de similitudes : une ambition écologique, des audaces architecturales, des chantiers coûteux et parfois contestés. Mais là où le projet américain apporte une réponse immobilière à l’élite new-yorkaise, Europacity pourra apporter une réponse sociale aux populations défavorisées de la petite couronne. Hudson Yards n’est donc pas vraiment le grand frère d’Europacity, mais plutôt un lointain cousin américain.