Happyculteur est un mouvement français permettant aux citoyens de s’engager à leur échelle dans la sauvegarde de la biodiversité et des abeilles en ville. Dans les faits, tout a commencé en 2016 lors du Startup Weekend Food, un événement unique ouvert à tous les ambitieux souhaitant lancer un projet entrepreneurial. Jour après jour, semaine après semaine, la volonté d’œuvrer en faveur du vivant et de contribuer à la protection de l’abeille se faisait plus forte, jusqu’à faire germer un projet fou : proposer aux citadins des ateliers d’initiation à l’apiculture sur les toits de Paris. L’objectif ? Les sensibiliser à même la ruche ! Désormais, la structure opère dans la capitale principalement, mais aussi Lyon, Marseille et Lille. Celle-ci emploie 3 salariés, 2 services civiques et 30 bénévoles.
Paul-Olivier Begoc, responsable développement stratégique de l’association, revient sur les tenants et aboutissants de cette belle aventure citoyenne et écologique pour Cityramag.
Cityramag : Pouvez-revenir sur les motivations qui vous ont amenées à lancer le mouvement Happyculteur s’il vous plaît.
Paul-Olivier Begoc : Nous assistons depuis les années 1990 à un déclin plurifactoriel des abeilles; Un phénomène inquiétant quand on sait que plus de 72% des espèces cultivées pour l’alimentation en France dépendent de l’intervention des insectes pollinisateurs. Bien que l’apiculture intéresse et questionne de plus en plus, le métier d’apiculteur demeure, quant à lui, paradoxalement méconnu du grand public. Les citoyens d’aujourd’hui seront les apiculteurs de demain, c’est pourquoi nous pensons qu’il est urgent de les former, notamment par le biais de l’école Happyculteur, à une apiculture naturelle et durable.
Happyculteur accorde en ce sens une importance particulière à l’éveil des sensibilités propres à chaque élève, en veillant par exemple à diversifier le nombre de ruches utilisées, l’objectif étant que le professionnel en devenir puisse se figurer le type d’apiculture qu’il souhaite pratiquer à l’avenir.
« Notre démarche initie des méthodes naturelles auprès des amateurs comme des professionnels »
Cityramag : Sur quoi insistez-vous tout particulièrement ?
P-O. B : L’usage systématique des pesticides, le dérèglement climatique ou l’émergence de nouveaux prédateurs sont autant de facteurs sur lesquels nous souhaitons communiquer afin que chacun puisse, à son échelle, se saisir de ces problématiques et modifier son mode de vie. 5 à 10% du taux de mortalité des abeilles serait dû à ces mauvaises pratiques. Notre démarche initie donc des méthodes naturelles auprès des amateurs comme des professionnels et fait découvrir aux citoyens des techniques respectueuses de l’abeille.
Dans cette démarche, nous voulons vraiment avoir un impact au niveau urbain pour que les gens se sentent vraiment connectés à la ville à travers cette initiation. Ils peuvent ainsi appliquer nos enseignements dans leurs jardins, balcons ou encore sur le toit des immeubles. Il est important de noter qu’il y a déjà 2000 ruches à Paris. Logiquement, nous nous appuyons sur les ruches déjà existantes pour que les abeilles domestiques ne fassent pas concurrence aux abeilles sauvages… Ce qui engendrerait une pénurie de ressources.
Autre point notable : nous encourageons les villes et les citoyens à revégétaliser l’espace disponible avec des plantes mellifères. Celles-ci produisent des quantités importantes de nectar et de pollen de bonne qualité et accessibles pour les abeilles (un projet dédié de serre de production est d’ailleurs en cours à Bagnolet, en région parisienne).
« L’apiculture amateur est un vecteur de solidarité, en plus d’être une formidable aventure humaine »
Concrètement, Happyculteur propose des ateliers d’initiation (possibilité en team building). Au-delà de la découverte de la ruche, participer à une demi-journée d’initiation c’est rencontrer des passionnés, et ainsi mieux comprendre les réglementations et les techniques. Parallèlement, nous intervenons dans les écoles afin de réaliser une formation raisonnée auprès des plus jeunes car la consommation du miel reste globalement assez évasive. Informer dès le plus jeune âge est réellement une bonne chose. Il est important de noter que nous menons aussi des programmes en milieux carcéraux. A cet effet, deux ruches sont mises à disposition des détenus, à la prison parisienne de la Santé, en vue de favoriser leur réinsertion future.
Cityramag : Vous misez donc beaucoup sur l’aventure humaine ?
P-O. B : Chez Happyculteur, nous sommes convaincus que l’apiculture amateur est un vecteur de solidarité, en plus d’être une formidable aventure humaine. En s’affranchissant de l’automatique logique de rentabilité que peuvent rencontrer les professionnels, cette pratique permet de replacer la coopération et la passion au cœur de ses priorités. Exit le rendement, la pression et le profit : place au bien-être, au partage et au respect du vivant.
Former des ambassadeurs de la sauvegarde de l’abeille au quotidien
Participer à un atelier d’initiation à l’apiculture ou à la biodiversité, se former au sein de l’école Happyculteur ou le simple fait de s’informer sur notre site ou nos réseaux sociaux sont autant de clés offertes au citoyen souhaitant s’engager en faveur de l’abeille et de la biodiversité.
En proposant régulièrement une offre et des contenus variés, Happyculteur souhaite que chacun puisse questionner son mode de vie et s’adapte davantage aux besoins de l’environnement qui l’entoure.
Cityramag : Vos élèves percent-ils par la suite dans le monde de l’apiculture ?
P-O. B : C’est assez variable. Beaucoup poursuivent dans une activité amatrice avec la volonté de partager notre message environnemental, de devenir des ambassadeurs de la sauvegarde de l’abeille au quotidien. D’autres se lancent dans l’apiculture en complément d’une activité professionnelle comme le maraîchage biologique ou la gestion de chambres d’hôtes. Enfin, certains en font leur métier principal.
Propos recueillis par Mathieu Portogallo
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