Face à l’accélération de l’érosion, les communes concernées et l’Etat engagent un réaménagement des littoraux. Certaines de ces villes ont recours au bois pour la réalisation de leurs nouvelles infrastructures.
C’est un concept difficilement mesurable au quotidien : contrairement à ce que les cartes géographiques laissent deviner, le tracé du fameux « hexagone » français n’est pas figé dans le marbre. Avec quelque 5 500 kilomètres de côtes en métropole – et même 22 000 kilomètres si l’on prend en compte les territoires d’Outre-Mer –, le littoral français est en perpétuel mouvement, sous l’effet conjugué du vent, des courants marins ou des vagues. Ainsi, l’ensemble des zones côtières sont soumises à l’érosion, un phénomène naturel qui s’accélère dramatiquement avec les conséquences du réchauffement climatique, au premier rang desquelles la hausse du niveau des océans. Si la calotte glaciaire du Groenland venait à fondre complètement, le niveau marin pourrait en effet augmenter de sept mètres, entraînant un recul progressif du linéaire côtier ou « trait de côte ».
En Normandie, le GIEC alerte sur l’érosion des falaises
Si aucune zone côtière française n’est épargnée, certains littoraux sont plus affectés que d’autres et subissent déjà les effets, bien réels, du dérèglement climatique. Ainsi des falaises normandes qui, comme à Criel-sur-Mer (Seine-Maritime), s’effondrent par blocs entiers – de « soixante mètres de long et cinq à huit mètres de large » – dans la Manche en contrebas. Une situation d’urgence, qui a poussé les vingt-cinq experts du GIEC normand à proposer un plan d’action, financé à hauteur de 500 millions d’euros, pour lutter contre les conséquences de la hausse du niveau de la mer sur les côtes de Normandie. Car à défaut de réaction rapide, c’est l’expropriation pure et simple qui attend certains habitants, dont les logements – souvent des résidences secondaires – menacent eux aussi de s’effondrer dans la mer.
Concilier préservation du littoral et développement
Plus que jamais coincées entre, d’un côté, les eaux qui grignotent irrémédiablement leur territoire et, de l’autre, les besoins d’une population deux fois et demie plus dense que la moyenne nationale et qui a tendance à augmenter, les plus de 1 200 communes françaises riveraines de la mer tentent de concilier préservation du littoral et développement économique durable. Pour atteindre ces objectifs en apparence contradictoires, ces municipalités peuvent notamment s’appuyer sur les dispositions de la « loi littoral » qui, depuis 1986, offre aux décideurs locaux les moyens d’aménager durablement leurs territoires littoraux. Les élus peuvent également mettre à profit la « stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte », adoptée en 2012 : un ensemble de mesures destinées à améliorer la résilience de ces espaces littoraux, en accompagnant les territoires concernés dans leur recomposition spatiale, en mettant à leur disposition de nouveaux outils ou encore en renforçant la connaissance et l’information sur les effets du changement climatique.
Marseille mise sur le bois pour réaménager sa plage de la Pointe-Rouge
Réaménager le littoral pour l’adapter aux défis futurs : telle est l’équation que doivent résoudre les communes de bord de mer. A l’image de l’une des plus célèbres d’entre elles, Marseille, qui pour revaloriser sa plage de la Pointe-Rouge, a misé sur une ressource conciliant beauté, durabilité et circuit court : le bois. Adieu béton et plastique, bienvenue au châtaigner et au pin local, les deux essences qui composent la partie maîtresse du projet de réhabilitation de la plage, une promenade en plancher posée sur le sable. Résistantes aux intempéries, les structures ont aussi l’avantage d’être démontables et de se fondre parfaitement « dans la singularité du paysage afin de révéler ses fluctuations, l’histoire de traces sans cesse recouvertes, la géographie disparue, la façade des cabanons adaptée par leurs habitants », d’après l’agence d’architectes Mira, qui a conçu un projet respectueux de cet environnement unique en son genre.
Saint-Malo, la pionnière du bois sur le littoral
Si elle peut revenir en force dans les années à venir, l’utilisation du bois pour protéger et aménager le littoral n’a rien d’une pratique nouvelle. Les Malouins en savent quelque chose, eux dont la fameuse promenade du Sillon, bordée par la digue du même nom, est protégée depuis plusieurs siècles par une impressionnante armée de brise-lames en bois. Des milliers de poteaux de bois de sept mètres de long qui, à force d’amortir les vagues lorsque celles-ci se précipitent sur la cité corsaire, doivent parfois être remplacés : 500 d’entre eux ont ainsi récemment été déracinés de la plage du Sillon pour être remplacés par de nouveaux troncs en chêne, une essence particulièrement solide et, cerise sur le poteau, issue de forêts labellisées gestion durable. Paysages minéraux par excellence, les littoraux devront-ils donc leur salut au bois et aux forêts ?