Trois ans après son lancement en grande pompe par Emmanuel Macron, le Plan Marseille en Grand souffre d’un défaut de cohérence dans sa mise en œuvre. C’est ce que constate la Cour des comptes dans un rapport publié en début de semaine. L’institution pointe des insuffisances organisationnelles et un suivi indigent.
Le 2 septembre 2021, à l’occasion d’un déplacement dans la cité phocéenne, qu’il affectionne particulièrement, Emmanuel Macron a présenté le Plan Marseille en Grand. Ce programme ambitieux à 5 milliards d’euros est censé faire de la deuxième ville de France un laboratoire de nouvelles politiques publiques. Il repose sur 7 priorités : social, sécurité, éducation, emploi, sanitaire, culture et transports.
La Cour des comptes étrille le Plan Marseille en Grand
Le Plan Marseille en Grand doit changer la vie des habitants de cette grande commune de France, dont certains quartiers sont les plus pauvres et les moins sûrs d’Europe. Alors que la fracture géographique et sociale se creuse, et qu’il urge d’inverser la courbe rapidement, le programme annoncé par le chef de l’Etat sous la pluie semble être un pétard mouillé.
Dans un premier bilan au vitriol publié lundi 21 octobre 2024, la Cour des comptes parle d’un immense gâchis, trois ans après le lancement du plan. Dans son document de 155 pages aux allures de réquisitoire, l’institution dénonce un suivi « indigent » du plan Marseille en Grand sur la période 2021-2023. Elle relève qu’à fin 2023, seulement 1,31 % du montant total annoncé – plus de 5 milliards d’euros – avait été décaissé par l’Etat.
Des actions minimalistes sur l’éducation
La Cour des comptes dresse le bilan domaine par domaine. Sur le volet éducation du Plan Marseille en Grand, les dépenses exécutées s’élevaient à seulement 19 millions d’euros, sur un montant annoncé de 1,05 milliard (soit 1,8% du budget contre 25% promis), relève-t-elle. En matière de rénovation, 14 écoles ont été livrées ou en passe de l’être sur les 188 identifiées en piteux état. Trop peu.
La présidente de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur Nathalie Gervais, qui a présenté le rapport à la presse, trouve cependant que « le plan est une chance pour les Marseillais », avec ces premières livraisons d’écoles. Au niveau de l’emploi, la Cour déplore que le programme se limite à l’entrepreneuriat des jeunes des quartiers défavorisés, sans prendre en compte la spécificité des couches sociales concernées.
Les transports, quasi oubliés du Plan Marseille en Grand
Pour le logement, la Cour des comptes constate que le plan ne prévoit pas de mesures pour renforcer la mixité sociale et lutter contre la ségrégation résidentielle, entre le nord et le sud de la ville. Aussi, il ne ferait aucune mention de la production de logements, notamment sociaux. Côté transports, rien de bon, non plus . Pas un seul centime n’aurait été injecté dans les mobilités urbaines, par exemple.
D’ailleurs, les 15 projets prévus dans ce domaine ne répondraient que partiellement à l’objectif affiché de l’Etat de désenclaver les quartiers nord, qui ne bénéficient d’aucune liaison directe avec le centre-ville. Cette situation s’explique en grande partie par l’absence de coordinations au niveau des élus locaux. Pendant plus d’un an, souligne le rapport, il n‘y a eu aucune réunion du GIP mobilités, le groupement d’intérêt public.
De la nécessité de définir un cadre contractuel et un calendrier
Pour la Cour des comptes, tous ces manquements sont dus à « un défaut de cohérence d’ensemble ». Le plan aurait été « conçu de manière précipitée » et « sans concertation préalable avec les acteurs ». On se rappelle qu’Emmanuel Macron l’avait annoncé de façon presque spontanée. Après la déclaration du chef de l’Etat, il n’y a pas eu de document pour formaliser le programme, même pas un dossier PDF.
Si le président de la République s’est rendu à Marseille en juin 2023, pour passer en revue les différents chantiers engagés depuis la présentation du plan Marseille en Grand, il faut dire que rien ne semblait concret. La Cour préconise donc de définir « un cadre contractuel » accompagné d’un calendrier et d’un dispositif d’évaluation en concertations avec les différents acteurs. Mais à l’heure des contraintes budgétaires, il faudra batailler.