Interrogé par Le Monde, Mathieu Saujot, directeur du programme transitions numériques et écologiques à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), milite pour une meilleure gouvernance des collectivités en matière de smartisation des villes.
D’après lui, la ville numérique, telle qu’on l’entend aujourd’hui, « n’est ni centralisée ni pilotée car elle se déploie sans plan directeur ». Pire, l’Hexagone est encore « loin de l’imaginaire de la ville intelligente ».
Preuve en est, « les grandes plates-formes, start-ups, initiatives citoyennes ont (au contraire) investi la ville de manière autonome. (En conséquence), les services numériques qu’offrent ces acteurs se superposent et cherchent chacun à la transformer. (D’ailleurs), nombreux sont ceux qui ont des impacts sur les domaines traditionnellement réservés à l’action publique, à l’instar d’Uber, sur les transports, ou d’Airbnb, sur le logement », souligne M. Saujot.
De ce fait, certains secteurs stratégiques échappent outrageusement au contrôle des autorités publiques : « Le domaine des transports et de la mobilité est de toute évidence le plus affecté », regrette l’intéressé. « Sur différents chaînons de la mobilité (taxi, calcul d’itinéraire, billettique, covoiturage, autopartage, mobilité autonome, vélo en libre-service…), de nombreux acteurs développent des offres principalement en marge des services publics de transport. »
Vers une émancipation des collectivités ?
Pour autant, tempère-t-il, ce « contre-pouvoir » pourrait à terme être bénéfique pour les acteurs traditionnels. Et cela, en les amenant « à réfléchir à de nouveaux outils ». C’est le cas par exemple de Airbnb dont l’arrivée bouleverse « des zones où le marché du logement est difficile, ce qui complique (de facto) les politiques publiques locales ».
Conclusion, il est impératif que les collectivités se muent progressivement en véritable chef d’orchestre de cette émergence massive d’innovations :
« Les pouvoirs publics commencent à inventer leurs modèles de ville numérique et cherchent à regagner une capacité à gouverner, c’est-à-dire à organiser l’action de la pluralité d’acteurs publics et privés qui innovent sur leur territoire. La clé pour eux est de trouver la bonne distance pour agir sur l’innovation, la soutenir, la favoriser sans l’asphyxier. (De ce fait), il leur faut ouvrir un espace de négociation avec les acteurs innovants. Innovation et gouvernance sont en fait beaucoup plus liées qu’on ne le croit habituellement. »
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