Alors que la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, elle va devoir s’attaquer à un chantier de taille : décarboner ses transports. Pour atteindre cet objectif, les collectivités territoriales auront un rôle essentiel à jouer.
La France parviendra-t-elle à réduire son empreinte carbone pour remplir ses objectifs climatiques ? L’État français s’est engagé dans la voie du « zéro carbone » d’ici à 2050 et l’Union européenne a exhorté ses États membres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici à 2030. Pour atteindre ces objectifs ambitieux et éviter un réchauffement global de 2 °C, la nécessité de décarboner les mobilités s’est rapidement imposée. Les transports représentent en effet 30 % des émissions de GES en France, la route et l’aéronautique étant les principaux responsables.
Si le rôle de l’État s’avère fondamental dans la lutte globale contre le réchauffement climatique, les collectivités locales sont loin d’être en reste : promotion des « mobilités douces », nouveaux aménagements urbains, autoroutes « bas carbone », flotte de bus roulant au gaz ou à l’électrique… Tour d’horizon de ces initiatives locales et écoresponsables qui bouleversent nos mobilités du quotidien.
La ville au centre de la décarbonation des transports
Les grandes villes et les agglomérations sont au cœur de la décarbonation des mobilités. En effet, elles ont tout d’abord un rôle à jouer pour augmenter le recours aux mobilités douces (vélo, marche…) et aux alternatives à la voiture en général : bus, transports en commun… De plus en plus de villes françaises changent ainsi totalement leur voirie pour réduire les voies réservées aux véhicules à moteur (voitures, scooters, motos), qui sont sources de pollution et de bruit, pour favoriser les pistes cyclables et les voies réservées aux bus et aux véhicules partagés. Le Covid a d’ailleurs renforcé ce phénomène avec l’apparition des fameuses « coronapistes », ces voies cyclables provisoires installées à la fin du premier confinement et qui sont devenues définitives dans plusieurs villes françaises comme à Paris, Lille, et Toulouse.
Les communes ont également la tâche compliquée de favoriser le passage des véhicules thermiques vers les véhicules électriques en installant massivement des stations de recharge, sachant que la difficulté à trouver une borne figure parmi les principales raisons freinant le passage à l’électrique. Pour multiplier ces points de recharge sur leurs territoires, certaines collectivités ont décidé de s’appuyer sur des acteurs du secteur privé, comme à Aix-Marseille, où la métropole a signé un contrat-cadre avec Engie, Izivia, et Total Énergie, pour l’installation de 450 bornes. La recrudescence de ces stations de recharge, à la fois dans les quartiers résidentiels et dans les zones où se concentre l’essentiel de l’activité économique, devrait permettre d’inciter davantage les automobilistes à passer à des véhicules électriques, ce qui réduira à terme la pollution aux particules fines et les nuisances sonores dans les centres urbains.
Inciter plutôt qu’obliger
Les municipalités ont en réalité surtout pour mission d’inciter les citadins à privilégier d’autres modes de transport que la voiture, notamment dans les périphéries des grands centres urbains, où les émissions de GES sont plus élevées qu’en centre-ville. La restriction des véhicules les plus polluants peut également être envisagée, notamment en délimitant des zones à faibles émissions (ZFE), qui permettent d’interdire certains types de véhicules dans des parties précises du territoire d’une commune, sur décision du maire.
Pour autant, l’interdiction pure et simple n’est pas forcément la solution, comme le montre la commune espagnole de Pontevedra, où l’incitation a eu des effets bien plus importants que la réglementation. Cette ville de 82 000 habitants a réduit de 60 % en 20 ans ses émissions de GES grâce à une politique de découragement de la voiture individuelle : trottoirs au même niveau que la chaussée, priorité des piétons dans toutes les zones, limitation de la durée du stationnement… La voiture est toujours autorisée, mais les habitants ont petit à petit renoncé à l’utiliser. Une formule qui s’avère gagnante et qui pourrait s’imposer comme un modèle pour de petites et moyennes villes françaises où l’interdiction totale de la voiture serait mal perçue par les habitants.
Si les actions politiques menées dans le périmètre communal ont évidemment un impact important pour des millions de Français, elles ne doivent pas être les seules envisagées. Des alternatives pour décarboner les mobilités doivent également être mises en œuvre pour les Français vivant hors agglomération.
Le défi de la décarbonation des mobilités moyennes
Beaucoup de Français dépendent encore de la voiture thermique et des infrastructures routières hors agglomération pour leurs activités du quotidien : pour faire leurs courses, pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l’école, pour accéder aux services publics de plus en plus éloignés…
Pour ces personnes, qui vivent dans des zones peu densément peuplées, la voiture thermique représente souvent la seule et unique solution : les distances sont trop longues pour se déplacer à vélo et la voiture électrique reste trop chère et trop peu pratique du fait de l’absence de bornes. Les voyages en train sont également souvent impossibles, faute de gares. « Les gens sont souvent prisonniers de leur voiture », observe Thierry Mallet, PDG de Transdev, groupe qui organise la mobilité en Île-de-France, « ils comparent le temps et le confort ». Même lorsqu’une ligne ferroviaire existe, la voiture reste effectivement le plus souvent la solution la plus pratique, la plus rapide et donc la plus confortable.
Pour les collectivités moins densément peuplées, cet état de fait constitue donc un défi majeur à relever, car l’investissement dans des infrastructures d’ampleur qui pourraient concurrencer la route (nouvelles lignes de train, de TER, nouvelles gares…) est hors de leur portée. Plusieurs collectivités locales ont donc élaboré des solutions intéressantes permettant de réduire l’usage de la voiture individuelle dans les trajets quotidiens.
Vers un transport interurbain décarboné
De nombreux territoires ont ainsi commencé à développer une offre de transport interurbain écoresponsable, sachant que les voyages en voiture entre plusieurs petites municipalités sont courants. Les collectivités doivent donc proposer des alternatives pratiques et bas carbone si elles veulent concurrencer la voiture et réduire les émissions de GES.
Dans la Vienne, la communauté urbaine du Grand Poitiers est par exemple en train de remplacer progressivement sa flotte de bus thermiques par des bus roulant au gaz naturel. Le réseau Vitalis, qui dessert Poitiers et une quarantaine de communes rurales voisines, a également lancé un service de voiture en libre-service pour favoriser l’autopartage et réduire l’usage de la voiture individuelle.
Même son de cloche pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), qui a entrepris plusieurs actions importantes pour réduire les déplacements en voiture individuelle sur son territoire. Elle a ainsi lancé une ligne de cars interurbains électriques entre Toulon et Aix-en-Provence et plusieurs lignes de cars interurbains roulant au gaz naturel. La région a également noué un partenariat avec Vinci Autoroutes consistant à favoriser les solutions de mobilités bas carbones sur les autoroutes, ces dernières étant toujours très empruntées quotidiennement dans certaines régions. La collectivité territoriale et le concessionnaire d’autoroutes se sont engagés à développer des infrastructures de recharge électrique, hydrogène et biogaz et à favoriser l’utilisation et l’accès aux transports partagés et « multimodaux » (transport collectif, covoiturage…) sur les autoroutes en question. Des voies réservées aux véhicules moins polluants ont également été mises en place.
Ces deux exemples tendent à montrer que, même à une échelle locale, les territoires peuvent agir en menant des politiques de désincitation à la voiture individuelle thermique, grâce à des alternatives pragmatiques et relativement peu coûteuses. Mais surtout, elles montrent que les collectivités territoriales peuvent agir tout de suite pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, en incitant plutôt qu’en obligeant. Une nécessité si l’on veut convaincre les Français de changer leurs modes de déplacement pour des alternatives moins polluantes et pour que la France remplisse, à terme, son objectif de neutralité carbone.