Dans une tribune publiée par la Gazette des communes, Hubert Beroche, fondateur du think tank, Urban AI, relativise la portée du concept de smart city qui prend de plus en plus d’ampleur à travers le globe. Et appelle à le remodeler.
Si comme l’explique l’intéressé, cet engouement général peut en partie s’expliquer par les promesses de la smart city. A savoir utiliser les nouvelles technologies pour optimiser la ville, à l’image :
- du smart traffic appelé à limiter la congestion urbaine et les accidents de la route
- des smarts grids qui contribuent à exploiter et consommer les ressources locales issues du vent, du soleil ou des courants marins
- ou encore des smart citizens qui renforcent la démocratie locale et se placent de facto au centre du dispositif – (une nécessité car le citoyen est plus que jamais un « conso-acteur », car si le mot de smart city est traditionnellement traduit en français par le terme de ville intelligente, il ne peut y avoir de ville intelligente sans intelligence citoyenne : seule la convergence entre le social et le numérique peut engendrer cette dynamique propre à la réinvention urbaine NDLR).
Le concept même de smart city finit tout de même par trouver ses limites :
« Dans les faits, la smart city peine à réaliser ses promesses », poursuit l’intéressé. « Pire, bien souvent, elle crée le mal qu’elle devait combattre. La police prédictive engendre des tensions communautaires, la mobilité intelligente crée de la congestion et les services smart menacent la souveraineté des villes. Face à ces échecs successifs, on a souvent proposé de réinventer la smart city. De faire du smart, mais autrement. Comme si on ne pouvait renoncer à la smart city sans renoncer au progrès urbain.
Pourtant, la smart city n’a pas le monopole du progrès urbain et encore moins celui de l’innovation technologique. Elle ne représente qu’une certaine façon de faire la technologie pour la ville. Ce que propose la smart city, c’est d’utiliser les technologies pour maximiser la consommation de biens et de services urbains tout en réduisant leurs coûts de production. Il s’agit donc d’une fonction d’optimisation, en l’occurrence économique.
Urbaniser la technologie
(…) Toutefois, une ville n’est pas qu’un marché (…) C’est un héritage vivant et porteur d’avenir. (En ce sens), les technologies peuvent aussi accompagner cette urbanité. Par exemple, le capteur urbain tel qu’il est aujourd’hui conçu est une technologie anti-urbaine. Son design est guidé par la seule injonction économique du moindre coût. Discret, presque invisible, il devient un outil de surveillance.
Dans une logique urbaine, les capteurs seraient des interfaces, des points de rencontre. Les données captées puis interfacées serviraient de support à des interactions délibératives. Ces interfaces pourraient également porter le récit urbain en racontant une donnée. Ce processus d’urbanisation peut se faire à l’échelle de toutes les technologies et doit varier selon les villes. Il s’agit donc d’un travail continu et collectif plus que d’une vérité. Urbaniser la technologie, c’est œuvrer, ensemble, pour habiter durablement la terre. »