Les 10 et 11 juillet, les sénateurs examinaient en séance publique le projet de loi dit « pour le plein emploi ». Les objectifs annoncés de ce projet de loi sont d’améliorer le fonctionnement du marché du travail et de parvenir au plein emploi en réorganisant l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).
Parmi les principales mesures figurent notamment :
- la création d’un réseau « France Travail » regroupant Pôle emploi et les acteurs de l’insertion L’inscription automatique des bénéficiaires du RSA et de leurs conjoints sur la liste des demandeurs d’emploi.
- le conditionnement du versement du RSA à la formalisation d’un contrat d’engagements qui renforce les obligations à la charge des allocataires.
- de nouvelles modalités de sanction pour suspendre ou supprimer le RSA afin de « remobiliser les bénéficiaires ».
Le 6 juillet, avant examen en séance, la Défenseure des droits a adressé aux sénateurs un avis sur ce projet de loi pour alerter sur ses conséquences en particulier pour les allocataires du RSA et les demandeurs d’emploi. En voici les conclusions.
Les constats du Défenseur des droits
L’axe principal du projet de loi est la « remobilisation » des allocataires du RSA. Dans son avis, la Défenseure des droits relève que cette approche tend à laisser penser que ces derniers seraient les principaux responsables de leur éloignement du marché de l’emploi en raison d’un manque de motivation. L’accent mis sur la conclusion d’un contrat d’engagements réciproques, avec les devoirs qui s’y attachent et viennent conditionner le versement du RSA, est de nature à renforcer le caractère stigmatisant de cette approche.
L’avis souligne cependant que l’accompagnement vers l’emploi des personnes qui en sont éloignées doit être un véritable droit au bénéfice de ces derniers, opposable à l’Etat, qui a l’obligation de tout mettre en œuvre pour faciliter leur insertion professionnelle. Les dispositifs d’insertion professionnelle et les politiques publiques dans ce domaine jouent un rôle majeur et la réorganisation des acteurs des politiques de l’emploi prévue par le projet doit s’accompagner de moyens financiers à la hauteur des enjeux, notamment pour les personnes en situation de handicap.
Les alertes
L’avis de la Défenseure des droits pointe une discrimination à l’encontre des moins de 25 ans, tenus à l’écart du RSA. Si celui-ci devient exclusivement un dispositif d’accès à l’emploi, le maintien d’une condition d’âge pour en bénéficier est susceptible de constituer une mesure discriminatoire. De plus, il met en garde les sénateurs contre certaines dispositions de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes précaires. L’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 fonde un droit à l’aide sociale au profit des personnes qui ne disposent d’aucune sorte de ressources pour vivre. Les dispositions du projet de loi ne doivent pas aboutir à priver de protection sociale les allocataires du RSA dont le retour à l’emploi n’est pas possible. L’existence d’obligations à la charge des allocataires du RSA n’est pas contraire aux libertés fondamentales. En revanche, celles-ci ne sont justifiées que si elles sont proportionnées et contribuent à l’insertion professionnelle. La Défenseure des droits alerte ainsi les sénateurs sur le risque de dénaturation de ces obligations.
S’agissant des sanctions, il existe déjà une procédure de suspension ou de suppression du versement de l’allocation lorsque les allocataires renoncent à leur projet individualisé (article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles). Cependant, les nouvelles modalités envisagées dans le projet de loi ne soumettent plus la suspension du versement à l’avis préalable d’une équipe pluridisciplinaire qui limitait les risques d’erreur. De plus, les bénéficiaires du RSA sont les personnes qui auraient le plus de difficultés à faire valoir leurs droits en cas de suspension indue. La Défenseure des droits suggère qu’aucune sanction ne puisse pouvoir être prononcée si les opérateurs des politiques de l’emploi et de l’insertion n’ont pas été en mesure de garantir aux bénéficiaires du RSA un accompagnement adapté. Enfin, aucune mesure n’est prévue pour préserver un reste à vivre en cas de suspension de l’allocation. La date de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale n’est pas encore fixée.
Vigilance
Cette nouvelle étape du processus législatif devra éclaircir de nombreux points comme l’inscription automatique des conjoints sur la liste des demandeurs d’emploi dont l’objectif poursuivi et les conséquences attendues demeurent encore flous. La Défenseure des droits restera vigilante quant aux risques mentionnés pour les droits fondamentaux des personnes précaires dans l’avis 23-05. Les débats semblent déjà cristallisés sur le périmètre, le fonctionnement et le coût de la création du réseau France Travail. La Défenseure des droits attend quant à elle des détails sur les modalités des dispositifs d’accompagnement qui en découleront.
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