Réseaux mycorhiziens : de la compétition plutôt que de la coopération ?

Depuis la découverte des réseaux mycorhiziens, il y a près de trente ans, il est admis que les plantes coopèrent pour faire face à un danger, en se signalant les attaques. Mais cette idée pourrait être loin de la réalité. Une nouvelle étude suggère que les plantes entre en compétitions, en signalant une fausse attaque pour pousser la voisine à dépenser inutilement ses défenses.
En 1997, l’écologiste forestière Suzanne Simard avait décrit pour la première fois un mystérieux réseau souterrain servant aux plantes à communiquer entre elles. Appelé réseau fongique mycorhizien ou affectueusement « réseau forestier », ce canal permettrait aux végétaux d’envoyer et de recevoir des signaux chimiques en cas d’attaques. On suppose que ces signaux chimiques avertissent de « l’agression », d’une chenille par exemple (sa morsure sur une feuille). La plante avertie se met alors à produire abondamment des enzymes répulsives contre les insectes.
Les réseaux mycorhiziens ne seraient pas des réseaux d’entraide
Cette hypothèse émise, il y a près de trente ans, a été largement commenté par les médias, qui y voyaient le signe de l’altruisme chez les végétaux, dans la droite ligne de l’anthropomorphisme dominant. Les plantes agiraient alors comme les acteurs dans les films, quand ils sacrifient leur vie pour permettre aux autres de se mettre à l’abri. « Oubliez-moi, sauvez-vous ! », entend-t-on souvent dans la bouche d’un personnage, qui affronte seul le danger pour le ralentir et sauver des proches. Mais cette vision du monde animal pourrait être une utopie.
Une compétition plutôt qu’une coopération ?
En effet, une étude de l’Université d’Oxford et de la Vrije Universiteit d’Amsterdam (VU) estime que cette conception des communications des plantes paraît un peu trop idyllique. Les biologistes britanniques et néerlandais soupçonnent une compétition plutôt qu’une coopération. Selon eux, les plantes pourraient plutôt utiliser les signaux chimiques à des fins de sabotage pour tromper le voisin et le pousser à dépenser inutilement ses défenses. L’objectif serait de l’affaiblir pour laisser ensuite faire la sélection naturelle. Une fois la voisine morte ou épuisée, la plante malhonnête a alors tous les nutriments dans la zone pour elle seule.
Une plante éliminée, c’est une bouche en moins
Dans son étude, l’équipe de chercheurs a utilisé des modèles mathématiques pour éclairer le système de signaux d’alerte. Une des modélisations a montré que les plantes n’ont pas d’intérêt à avertir leurs voisines d’un danger quand celles-ci sont la cible d’un insecte ou d’un herbivore. Pourquoi ? Parce qu’une plante éliminée, c’est une bouche en moins. Ainsi, elles tentent de brouiller les signaux pour que la voisine subisse le même sort. Mais il arrive que cette dernière prenne quand même conscience du danger.
Les réseaux mycorhiziens offrent des associations symbiotiques
En effet, dans la nature, tous les signaux d’attaque des herbivores et insectes ne disparaissent pas toujours, compte tenu du volume et de la diversité de ces signaux, transmis par l’air ou les réseaux fongiques. Ces réseaux fongiques ou réseaux mycorhiziens relient les racines sous terre via des champignons pour former des associations symbiotiques. Dès échanges s’opèrent à ce niveau, nutriments ( par exemple le phosphore et l’azote) contre carbone d’origine végétale.
Les réseaux mycorhiziens pourraient compenser l’absence d’avertissement
Selon les chercheurs britanniques et néerlandais, ces réseaux physiques de mycélium peuvent relier les racines de différentes plantes et servir de voies potentielles de signalisation des dangers. Ainsi, en l’absence de signaux venant de la plante attaquée, les champignons se chargeront d’avertir quand même ses voisines. Un peu comme un bailleur avertirait ses locataires d’un incendie dans l’immeuble d’à côté.
Signaler un danger réduit la fitness relative des plantes qui le font
Une autre modélisation suppose que les plantes peuvent s’envoyer de mauvais signaux pour tromper les autres et les pousser à se dépenser inutilement, en augmentant leur production d’enzymes de défense alors qu’il n’y a aucun danger à l’horizon. Le problème est que la signalisation concernant une attaque offre un avantage aux voisins concurrents, et réduit ainsi la fitness relative des plantes qui signalent. Or la sélection naturelle supprime ceux qui paraissent plus faibles. Donc pas question de renforcer l’autre.
Tout reste à savoir sur les réseaux mycorhiziens
Si les mensonges sont suffisamment nombreux, les plantes pourraient cesser de « faire confiance » à leurs voisines, soulignent les auteurs de l’étude. Cette attitude mettrait alors à mal la solidarité dans la nature et nuirait à son évolution même. Mais avouons qu’il s’agit là aussi de théories basées sur l’anthropomorphisme, avec l’attribution de calculs mesquins et de comportements égoïstes aux végétaux. Il reste à prouver que l’adage « chacun pour soi, Dieu pour tous » s’applique aussi à la flore.