Le journaliste Jamal El Hassani est revenu dans un article publié par le JDN sur les problématiques fâcheuses auxquelles peuvent être confrontées les smart-cities en devenir.
« Les projets de smart city sont complexes et les villes et autres communautés d’agglomération doivent bien souvent s’en remettre à un ou plusieurs prestataires pour les mettre en place. Mais la confiance accordée à ces partenaires ne doit pas tourner à l’aveuglement. »
L’intéressé liste en conséquence 5 pièges que les municipalités doivent contourner afin d’éviter une sortie de route prématurée sur le dossier :
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Mal définir la propriété de données :
« Si un contrat entre une ville et son prestataire qui traite ou enrichit les données est mal ficelé, la collectivité peut se retrouver dépossédée de leur propriété. »
Il est donc primordiale que les décideurs locaux bétonnent la propriété des données ou scellent leur droit d’usage. Pour cela, poursuit Yaron Steinfeld, consultant smart city chez Ptolemus, « l’une des solutions est de créer un hub géré par un tiers et qui rassemble toutes les données. Ainsi, lorsqu’elles proviennent de multiples sources et que les différentes parties prenantes trouvent une manière de fournir des données qui sont bénéfiques à chacun, le problème de la propriété des données ne se pose plus. »
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L’enfermement technologique
« Autre risque pour les villes intelligentes : se retrouver enfermées dans une solution logicielle propriétaire qu’il devient difficile de quitter après des années et dont les données ne sont pas facilement convertibles dans un autre format. »
Selon Cédric Verpeaux, responsable du pôle ville intelligente à la direction des investissements de la Caisse des dépôts, « il faut maintenir le contrôle et la transparence du dispositif. Une solution propriétaire peut être garante de la souveraineté si elle permet à la collectivité de comprendre comment est structurée sa plateforme et qu’elle est transparente sur l’usage, la production et la réutilisation des données. De ce fait, l’open source est intéressant car il peut permettre de faire le choix de sortir d’un service et changer plus simplement de prestataire. »
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Le mirage de la gratuité
« Lorsqu’une plateforme vient avec ses propres modèles économiques, comme la gratuité, et qu’elle n’a pas de lien contractuel avec la collectivité, contrairement aux délégataires de service public de la smart city (…) c’est qu’il y a sûrement un usage des données qui n’est pas conforme au bien commun. »
Selon Régis Chatellier, chargé d’études innovation et prospective à LINC, le laboratoire de la CNIL, « le risque est de voir un acteur privé proposer un service dont le public devient dépendant alors qu’on sait que le modèle peut devenir publicitaire. C’est par exemple le cas avec Flow, une plateforme d’optimisation du trafic urbain fournie gratuitement à des petites villes américaines pendant trois ans par Sidewalk Labs, filiale d’Alphabet (maison-mère de Google) dédiée à la ville intelligente. Ses solutions fonctionnent de concert avec les autres produits phares d’Alphabet, comme Google Maps et des partenaires tels que Lyft et Uber. »
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Le manque de compétences techniques
« Au-delà de la protection des données personnelles, c’est la capacité des villes à proposer des services publics qui peut être remise en cause si elles ne développent par leurs propres compétences techniques. »
De ce fait, les municipalités doivent détenir un certain nombre de compétences techniques en interne afin de comprendre et contrôler l’action de leurs prestataires : « Par exemple, pour repérer une mauvaise utilisation des données personnelles des citoyens, qui pourrait rendre la ville responsable devant la CNIL. »
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Vouloir tout faire soi-même
« La mutualisation est une bonne solution pour les villes qui n’ont pas les ressources ou les compétences pour développer des solutions seules ou gérer certains aspects de leur relation avec les prestataires de smart city. »
L’union fait la force, souligne Cédric Verpeaux : « Si une collectivité veut se lancer dans un projet, il vaut mieux qu’elle se coordonne avec l’intercommunalité, le département ou la région pour voir ce qui a déjà été fait et ne pas repartir de zéro. »