Avec la sortie progressive du confinement, les habitudes de transports quotidiennes vivent actuellement une mutation inédite. À l’image du nouveau « forfait mobilités durables » lancé par le gouvernement, les initiatives se multiplient en entreprise pour favoriser les déplacements propres pour se rendre au travail.
Déjà esquissée fin 2019 lors du mouvement de protestation contre la réforme des retraites, la transformation des habitudes de transports des Français a franchi un nouveau cap suite à l’épidémie de coronavirus. Après la création d’une aide de 50 euros pour réparer son vélo et le traçage en urgence de nouvelles pistes et voies cyclables dans de nombreuses villes, le gouvernement a annoncé le 10 mai le lancement d’un « forfait mobilités durables » pour encourager les salariés à se rendre au travail à vélo ou en covoiturage. Cette prime d’un montant maximum de 400 euros par an peut être versée par les entreprises qui le souhaitent en remplacement de l’indemnité kilométrique vélo déjà accordée par certains employeurs, a annoncé le ministère de la Transition écologique. Elle s’applique aux déplacements avec un vélo personnel (à assistance électrique ou non), en covoiturage, mais aussi avec les vélos, trottinettes et scooters électriques en libre-service ainsi qu’en autopartage pour les véhicules à faibles émissions. Ce forfait peut en outre se cumuler avec la participation de l’entreprise aux abonnements de transports en commun. « Cet encouragement financier individuel peut être décisif au moment où nous développons des pistes cyclables ou des voies réservées au covoiturage », explique Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique. Il s’agit d’« une étape franchie pour des déplacements plus propres ! », a-t-elle ajouté sur Twitter.
« Un virage est en train de s’opérer »
De fait, la quête de modes de mobilité plus durables est au cœur de la politique nationale de croissance verte, telles que la loi sur la transition énergétique, la stratégie nationale bas carbone ou la loi énergie-climat. Jusqu’à maintenant, les efforts étaient surtout concentrés sur le soutien au développement des véhicules électriques et hybrides rechargeables afin d’arrêter la commercialisation des voitures thermiques d’ici 2040. Dans cette optique, les primes à l’achat de véhicules propres constituaient jusqu’à présent l’une des principales armes de l’État pour accélérer la décarbonation des transports du quotidien. Si bien qu’en mars 2020, les véhicules électriques ont représenté 8 % des ventes automobiles dans tout le pays. « Un virage est en train de s’opérer, et il est important que la crise ne l’entrave pas, estime Cécile Goubet, secrétaire générale de l’Avere (Association nationale pour le développement de la mobilité électrique). Il faut créer des incitations pour que des constructeurs poursuivent leurs investissements, mais aussi pour que les particuliers puissent acquérir des véhicules électriques, qui risquent d’être défavorisés avec les prix du pétrole très bas. »
Poursuivre l’électrification des véhicules et renforcer le soutien au vélo
Dans la logique des primes à la casse ou à la reprise d’un vieux véhicule thermique, l’Avere propose ainsi de maintenir le bonus écologique de 6 000 euros sans condition de revenus, et d’indexer la TVA sur le niveau d’émissions de CO2 des moteurs. Ces conditions favorables doivent permettre, selon l’association, d’atteindre l’objectif de 3 millions de véhicules électriques que s’est fixé la France d’ici 2028, contre environ 250 000 actuellement en circulation, et celui de 100 000 bornes de recharges en 2022, contre près de 30 000 à ce jour. Mais pour décarboner les transports du quotidien, l’électrification des véhicules doit aussi s’accompagner d’un recours accru au vélo. La stratégie nationale bas carbone prévoit notamment que sa part atteigne 12 % des déplacements de courte distance en 2030 et 15 % en 2050, contre seulement 3 % en 2018. Selon l’I4CE (Institut de l’économie pour le climat), 1,6 milliard d’euros d’investissement publics par an seront nécessaires d’ici 2050 pour y parvenir. L’organisme recommande ainsi d’augmenter la prime de mobilité durable et de la rendre obligatoire pour l’ensemble des salariés français.
Ces entreprises qui encouragent une mobilité durable ou alternative
En France, l’utilisation du vélo comme moyen de transport du quotidien est encore peu ancrée dans la culture nationale, contrairement à nos voisins d’Europe du nord. Toutefois, certaines entreprises font preuve d’audace en promouvant concrètement la mobilité durable auprès de leurs employés. C’est le cas d’EDF. Depuis le 11 mai, les salariés de l’entreprise peuvent acquérir ou louer un vélo classique ou électrique à prix négocié. Depuis 2019, EDF a lancé une démarche globale pour promouvoir la mobilité durable et inciter ses collaborateurs à réduire leur empreinte carbone. En se déplaçant moins et mieux, l’objectif majeur est de réduire les émissions de CO2, via des solutions alternatives de transports : co-voiturage, déplacements à vélo, mobilité électrique… « La crise du coronavirus conduit les entreprises à penser différemment les méthodes de travail mais aussi les déplacements. Avec la démarche innovante interne « Combattre le CO2, ça commence par nous » mise en place par EDF, chaque salarié peut s’engager pour mieux maîtriser sa consommation d’énergie et réduire son empreinte carbone. Pour cela, éco-gestes et offres préférentielles leurs sont proposés. », souligne Christophe Carval, Directeur Exécutif Groupe en charge de la Direction des Ressources Humaines.
Avec les mesures sanitaires liées au déconfinement est d’ailleurs apparu un marché de niche pour aider les entreprises à adapter la mobilité de leurs employés, notamment dans le but d’éviter les risques de contamination dans les transports en commun. Tim Mobilité, une jeune startup française, propose ainsi la location de vélos de fonction aux professionnels à partir de 26 euros par mois. Une autre société tricolore, Shiroot, met, quant à elle, à disposition des entreprises des vans désinfectés avec chauffeur et matériel de protection.
« Les salariés sont prêts ! »
« Tous les feux sont au vert : les entreprises doivent accompagner le changement de paradigme de la mobilité, renchérit Aude Launay, fondatrice et PDG du hub d’autopartage en entreprise Flexy Moov, dans une tribune publiée sur le site des Échos. […] Les salariés sont prêts à tester d’autres formes de mobilité, et attendent de leurs employeurs qu’ils leur proposent une mobilité décarbonée. Déjà, avant la crise, l’Observatoire Cetelem 2020 sur la fracture automobile révélait que 43 % des Français étaient prêts à ne jamais ou plus jamais posséder de voiture. Et une étude Opinion Way-Athlon de 2019 avait révélé que la mobilité durable est une demande de 63 % des employés. » Pour fonctionner, l’offre alternative à la voiture individuelle et aux transports publics doit toutefois être flexible, inclusive et économique, prévient la chef d’entreprise. « La perspective de sortie de crise liée au covid-19 offre un formidable levier aux entreprises pour initier des actions de rupture, comme celle de repenser drastiquement la mobilité de leurs collaborateurs, dans un esprit de solidarité des bénéficiaires et en résonance avec de nouveaux choix de société », conclut-elle.