L’instauration, le 1er janvier 2020, du Plan de Mobilité Employeur (PDM) pousse les entreprises à organiser une mobilité de leurs employés moins dépendante à la voiture et moins émissive.
Ce dernier est obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salariés situées sur le périmètre d’un Plan de Déplacements Urbains (PDU), dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Les entreprises de plus de 50 salariés doivent, quant à elles, intégrer à leurs négociations annuelles obligatoires la problématique de « l’amélioration des mobilités quotidiennes des personnels ».
Vous l’aurez compris, la mobilité verte prend une place considérable au sein de la sphère politico-économique. En ce sens, Laure Wagner a cofondé 1km à pied (lancée début 2020) afin d’accompagner les entreprises dans leur démarche décarbonée. Comment ? En optimisant les trajets domicile-travail de leurs salariés.
L’ex-porte-parole de Blablacar et première salariée de la célèbre start-up, s’est confiée à Cityramag sur les tenants et aboutissants de ce projet.
Cityramag : Laure Wagner, pouvez-vous revenir s’il vous plaît sur la genèse de l’aventure 1km à pied.
L. W : Mon cursus en communication, mon expérience d’une année au ministère de l’Ecologie et mes 11 ans passées chez Blablacar m’ont permis de vivre activement ma passion pour l’écologie et la tech. Je me suis passionnée très tôt pour le changement de comportement de mobilité et les nudges.
Dans cette continuité, j’ai lancé 1km à pied qui permet aux entreprises de réaliser en quelques clics le diagnostic des trajets de leurs employés. J’avais la conviction que la tech pourrait booster les plans de mobilité et les plans d’action qui en découlent. En cela, des données clés ciblées vont permettre aux employeurs de chiffrer et prioriser chaque action concrète.
« Pour un salarié muté sur un poste plus près de chez lui, c’est un gain de 11 km »
Lorsque je travaillais sur Blablacar Daily (application de covoiturage domicile-travail), je me suis aperçue que les trajets les plus prisés par les covoitureurs étaient de plus de 25 km, alors que le trajet domicile-travail moyen en France est de 13,3 km à l’aller (source EMP 2019). A titre de comparaison, il atteignait seulement 3 km dans les années 60. C’est dire qu’il reste du chemin à parcourir pour arriver à 1 km à pied.
Autre aspect intéressant, l’INSEE démontre que 36% des gens vivent à distance cyclable de leur lieu de travail (moins de 5 km). Dont seulement 6% sont réalisés à vélo. Soit 2% au total.
C’est justement pour réduire les distances domicile-travail et favoriser le passage au vélo que j’ai imaginé qu’on pourrait mieux dispatcher les employés et employés de terrain. Ils sont en effet des millions à pouvoir faire le même job, pour le même employeur, plus près de chez eux.
En moyenne chez nos clients multi-sites, pour un salarié muté sur un poste plus près de chez lui, c’est un gain de 11 km pour l’intéressé et une économie de CO2 de 0,7 tonne/an réalisée. Mieux, si tous les employeurs multi-sites réaffectaient leurs salariés au plus près de chez eux, une économie de 5 à 10 tonnes serait atteinte; Ce qui est loin d’être négligeable.
« 60% des actifs sont des employés ou agents de terrain qui ne peuvent pas télétravailler »
Il est également important de noter que 60% des actifs sont des employés ou agents de terrain qui ne peuvent pas télétravailler. Sachant que 14% de plus sont des employés de terrain qui peuvent faire une toute petite partie de leur poste en télétravail.
Au final, la réduction du trajet domicile-travail repose sur trois points fondamentaux devant nécessairement afficher une cohérence pour réduire l’empreinte carbone. A savoir : la distance à parcourir, la fréquence et le mode de transport. Il est donc logique que les entreprises bénéficient d’un support efficace pour réussir ce virage vert de la mobilité.
Cityramag : Justement, parlez-nous de votre solution.
L. W : 1km à pied est une solution innovante de diagnostic et d’optimisation des trajets domicile-travail. Sur la base des fichiers RH, notre plateforme data sécurisée aide les entreprises soumises au Plan de Mobilité à :
- identifier leurs impacts et leurs situations à risque
- cibler et prioriser leur plan de mobilité employeur
- piloter les mobilités internes qui réduisent les trajets
- optimiser les trajets actuels à la source en proposant de changer le mode de déplacement. Pour certains à vélo, pour d’autres en transports en commun ou en covoiturage
- estimer le montant des économies, la réduction des émissions carbone ainsi que le retour sur investissement.
- montrer aux organisations qui disposent de plusieurs sites (grandes entreprises, collectivités, services publics…), quels salariés pourraient être rapprochés de leur domicile
Chez nos clients, 62% des salariés sont susceptibles d’intégrer un site à proximité de leur domicile. Il est donc possible d’apporter aux entreprises multi-sites un dispatch plus efficient de leurs salariés. Et cela en identifiant :
- les employés qui ont un poste plus proche de chez eux
- les employés à proximité d’un établissement qui recrute
- les opportunités d’échanges à poste égal
- les télétravailleurs qui pourraient faire du coworking
- le gain sur l’absentéisme et le turnover
Concrètement, ces forces vives peuvent faire le même job dans la même entreprise tout en réduisant drastiquement leur trajet domicile-travail. Cela concerne :
- soit des salariés du siège qui pourraient coworker depuis un établissement de terrain (agence, magasin)
- soit des employés de terrain qui pourraient avoir le même emploi plus près de chez eux
Si des mutations ou des transformations de site sont donc possibles, elles restent avant tout quasi-indispensables à l’heure de la Cop 21 et de la décarbonation.
« Plus le trajet est court, plus les employés sont performants, moins fatigués/stressés et engagés »
D’un point de vue technique, avec les informations anonymisées transmises par les entreprises, notre plateforme technique calcule instantanément tous les trajets domicile-travail de leurs salariés. Et les les confronte à tous les modes de transport possibles. Notre but est de permettre à nos clients d’atteindre leur objectif carbone, tout en réalisant des économies et en proposant à leurs employés un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
Les études récentes le prouvent : plus le trajet est court, plus les salariés sont performants, engagés, moins fatigués et stressés. Ils prennent également moins leur voiture, ce qui leur procure, de facto, une économie de 1800 euros sur l’année. Intéressant, sachant que 67% des CSP employées ne sont pas en situation de pouvoir épargner. Autre tendance, la durée du trajet devient même un critère plus important que le salaire ou l’intérêt du poste pour nombre d’actifs.
Cityramag : Regrettez-vous l’absence de sanction pour les entreprises réfractaires au PDM ?
L. W : L’Etat devrait mettre en place des sanctions pour décupler la mobilité décarbonée des entreprises. Et pour mettre en avant les entreprises qui le font, il n’y a pas de registre clair en la matière. Ce qui est regrettable.
Néanmoins, la loi requiert de discuter de la mobilité lors des négociation annuelles avec les représentants du personnel. Mais aussi un plan d’action à même d’orienter les pratiques de déplacements de leurs salariés vers des modes de transport plus vertueux.
Dans les faits, les entreprises ont tout intérêt à le faire car les gains financiers et d’efficacité des salariés sont évidents.
Cityramag : Qu’en est-il de votre modèle économique ?
L. W : Notre ambition est de devenir l’outil de référence sur la sphère des plans de mobilité, obligatoires pour toute entreprise de plus de 50 salariés. Et, surtout, d’avoir un réel impact positif sur la société et l’environnement.
Nous travaillons avec une vingtaine de clients et sommes labellisés UGAP (Union des groupements d’achats publics). Notre plateforme fonctionne sur abonnement, dont le prix varie selon la taille de l’entreprise et le nombre de ses employés. Enfin, nous procédons à un accompagnement si besoin.
Propos recueillis par Mathieu Portogallo