Créée en 2014 par Thibaut Dancette, ancien apiculteur, et Franck Mariambourg, issu de la filière agroalimentaire, la start-up Osmia, basée à Agen, s’est spécialisée dans l’augmentation des rendements et de la qualité des productions agricoles. Et cela, par l’intermédiaire d’un processus de pollinisation maîtrisé assuré par un insecte singulier : l’abeille osmie, dont l’action est diablement efficace. Le premier nommé, désormais directeur recherche et développement de la jeune pousse, revient pour Cityramag sur les tenants et aboutissants de cette véritable aventure environnementale.
Cityramag : Pouvez revenir s’il vous plaît sur la genèse du projet :
T. Dancette : Osmia est issue d’un projet plus ancien, mûri de longue date, avant d’être lancé définitivement en 2014 en région Aquitaine. Lorsque j’étais apiculteur, je me suis aperçu à l’occasion de mes échanges avec des semenciers et agriculteurs qu’il y avait un vrai problème de pollinisation totalement en inadéquation avec une agriculture de précision. J’ai donc cherché des pistes pour solutionner le problème.
L’une d’entre-elles fut de travailler en étroite collaboration avec des chercheurs de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) ce qui m’a permis de dégager des solutions situées hors des sentiers traditionnels. Des solutions à la fois complexes sur le plan logistique mais aussi sur le plan financier afin de développer avec une réelle plus-value le rendement des parcelles agricoles via un processus de pollinisation maîtrisé.
Cityramag : Comment fonctionnez-vous et qu’en est-il de votre modèle économique ?
T.Dancette : Nous nous occupons de tout. Il s’agit d’un service clé en main fourni aux arboriculteurs (pour un prix allant de 200 à 250 euros par hectare*). Nous fournissons les abeilles (mâles et femelles) et les disposons dans des abris et des nichoirs adaptés à la reproduction.
Concrètement, nous utilisons une espèce nommée « osmie » qui a la particularité de ne pas piquer, d’être solidaire et d’évoluer scrupuleusement dans un même périmètre oscillant entre 50 et 100 mètres. Ce qui n’est pas le cas des abeilles domestiques qui s’avèrent souvent incontrôlables en migrant vers une culture « plus séduisante ».
Par ailleurs, les abeilles osmies présentent une morphologie singulière avec une brosse centrale à la pilosité très dense située sous l’abdomen. Un système « bien pensé » leur permettant de transporter le pollen avec une efficacité redoutable puisque très peu de pertes sont constatées. Le rendement de l’arbre et du fruit s’en trouve dès lors bonifié.
A titre d’exemple, pour la pomme, un arboriculteur obtiendra normalement sur ses parcelles (géolocalisées au préalable) une productivité supérieure à 10 ou 15% par rapport aux résultats qu’il enregistre habituellement. Soit un bénéfice de 500 à 1000 euros par hectare, ce qui n’est pas négligeable vous en conviendrez.
Ensuite, une fois la floraison terminée, nous récupérons durant l’été les cocons sur les parcelles, les comptons, les trions entre mâles et femelles, afin de les traiter puis les placer en chambre en froide jusqu’au printemps suivant dans le but de reproduire le cycle hivernal.
Cityramag : Sur quelles zones géographiques travaillez-vous actuellement ?
T.Dancette : Nous intervenons pour le moment dans le Sud-Ouest (prune, fraise, pomme, poire), le Sud-Est (abricot, pomme, poire, amande), l’Est (mirabelle), la Normandie (pomme à cidre), et dans le nord de l’Italie (poire, pomme).
Cityramag : Etes-vous passés par un incubateur pour amorcer votre envol ?
T.Dancette : Non, nous avons eu la chance de présenter un dossier suffisamment sexy pour attirer des investisseurs de renom lors de nos deux premiers tours de table (Demeter, le fonds de capital-risque Aquiti Gestion et Expanso Capital, le Crédit Mutuel Arkéa et le Crédit Agricole). Désormais, nous visons une troisième levée de fonds par l’intermédiaire d’une campagne de financement participatif sur Sowefund, une plateforme spécialisée en crowdequity** qui nous offre une visibilité intéressante.
Propos recueillis par Mathieu Portogallo
*Prix variable selon le nombre d’hectares
**Une sous-branche du crowdfunding permettant aux start-ups de lever des fonds sans passer par le circuit de financement bancaire traditionnel.