Christian Lefèvre, directeur de l’Institut français d’urbanisme, et auteur de « Paris, métropole introuvable », dresse pour Le Monde un portrait de la Ville Lumière peu enclin à entrer de plain-pied dans la mondialisation, au contraire de mégalopoles telles que New-York ou Londres.
L’intéressé stigmatise en premier lieu les motivations des décideurs politiques de la capitale, leur reprochant d’utiliser Paris et la Métropole comme un simple tremplin :
“Londres et New York, les deux villes mondiales auxquelles Paris aime se comparer, ont une vision stratégique, une idée précise de leur avenir dans la mondialisation. Les milieux économiques et politiques la partagent. Leurs maires, quelle que soit leur appartenance politique, la défendent. Ces villes y croient. Paris, elle, n’y croit pas et y va en traînant les pieds (…) Son élite pense toujours de manière étriquée, dans un cadre national, et trop souvent utilise Paris ou l’île de France comme marchepied dans une carrière politique.”
… Ce qui dénote avec leurs homologues new-yorkais ou londoniens qui n’hésitent pas à s’opposer aux plus hautes sphères étatiques :
“Bill de Blasio, le maire de New York, ou Sadiq Khan, celui de Londres, font face à des gouvernements qui replient leurs pays sur eux-mêmes. Pourtant, ils sont capables d’entrer en conflit politique avec l’Etat. Et ils sont soutenus. Ainsi, les entreprises new-yorkaises les plus importantes, celles du « Partnership for New York City », ont produit en octobre un rapport disant que l’Etat fédéral devrait favoriser l’immigration, pour faire venir les nouveaux talents dont la ville a besoin. Et régulariser la situation de tous les migrants. A Londres, Sadiq Khan a lancé la campagne #Londonisopen, et défend une ville globale et ouverte. Ce hashtag signifie qu’il n’y a pas besoin d’être Anglais de souche pour être Londonien. Si vous êtes à Londres, vous êtes Londonien (…) En revanche, l’immigration est un tabou à Paris. La ville a pourtant été construite grâce à l’immigration.”
Pour C. Lefèvre, ce contraste trouve avant tout sa source dans une mauvaise synchronisation des carcans économiques et politiques franciliens :
“En Île-de-France, les relations entre le monde politique et les milieux économiques ne sont pas bonnes, teintées de méfiance, voire de défiance. A Londres, Sadiq Khan vient de créer le « Business Advisory Board » avec 16 chefs d’entreprise, dont 10 femmes, qui le conseillent sur la stratégie économique. Le monde économique travaille avec le maire depuis la création de l’autorité du Grand Londres en 2000. A New York, il en est de même.”
Cet attentisme des autorités parisiennes trouve ainsi son paroxysme sur la question de certains dossiers comme les transports, dont la gestion reste problématique :
“Le Grand Paris Express a été qualifié par l’ex vice-président en charge des transports à la région, Jean Vincent Placé, de « projet autoritaire et productiviste avant tout destiné à une classe d’affaires qui va de clusters en aéroports ». Il y a chez beaucoup d’élus cette idée que le CDG Express ou Grand Paris Express sont les transports des touristes et de la mondialisation alors qu’eux se battent pour les transports du quotidien. Ce n’est pas forcément faux, mais un peu caricatural (…) (Néanmoins), je ne vois guère de projet, guère de leader. D’un côté, on se lance dans la compétition internationale avec les mêmes recettes que les autres, avec par exemple les candidatures aux grands événements ; de l’autre, on ne se concentre que sur les aspects négatifs de la globalisation, comme les inégalités socio-territoriales.”
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