À quelques mois des élections municipales et alors que le projet de rénovation de la gare du Nord prévoit de construire près de 2 000 nouvelles places pour garer les vélos, Paris doit anticiper cette augmentation du trafic des deux-roues si la ville entend véritablement devenir le fer de lance des mobilités douces.
Comment faire d’une gare un lieu de vie à part entière, et non plus un simple espace de transit pour voyageurs pressés ? C’est à cette question que se propose de répondre le projet de rénovation de la gare du Nord, à Paris, qui devrait être conduit à son terme d’ici aux Jeux olympiques de 2024. Dans une tribune parue le 10 octobre dernier dans le Huffington Post, l’urbaniste Yoann Sportouch défendait l’ émergence de nouvelles gares, censée nous faciliter la vie », ouvrir de « nouvelles perspectives » et même devenir les « porte-parole des territoires desservis » : à la fois lieu culturel accueillant des expositions temporaires, lieu de détente – et non plus seulement d’attente – et lieu d’échanges, la gare de demain doit surtout, conclut l’expert, accompagner les nouvelles mobilités urbaines, en s’imposant comme une « grande plateforme multimodale ».
Une « capitale mondiale du vélo » en retard sur ses concurrentes
Une approche différente de « la gare », qui deviendrait moins un espace de transit qu’une zone de concentration des activités humaines. Un esprit qui transparait clairement dans le projet proposé par SNCF Gares & Mobilités et la foncière d’Auchan, Ceetrus, les deux entités en charge du futur chantier de la gare du Nord.
Ainsi, même si elle est loin de représenter l’aspect le plus médiatisé du projet de rénovation de cette gare, la construction d’un immense garage à vélos, pouvant accueillir près de 2 000 bicyclettes, répond précisément à ce besoin d’écomobilité et d’interopérabilité. Un espace pour les garer, mais aussi les protéger des intempéries et des incivilités, tout en proposant des bornes pour recharger les vélos électriques. Une sorte de « hub » des mobilités douces ? L’idée qui tombe à point nommé, alors que les Parisiens et Franciliens sont demandeurs de moyens de transport plus durables ; mais également la Ville de Paris qui, par la voix de son premier édile, Anne Hidalgo, a promis l’été dernier de faire de Paris la « capitale mondiale du vélo ».
Une promesse de campagne — les élections municipales ont lieu au printemps prochain — qui, pour l’heure et comme toutes les promesses, n’engage que ceux qui veulent bien y croire. Car Paris est loin du compte, et fait encore pâle figure face à ses concurrentes internationales, comme Bâle, Innsbruck, Oxford ou Malmö, et même au regard des avancées entreprises par d’autres villes françaises de moindre taille, comme Bordeaux, Lyon ou Rennes. La capitale française demeure envers et contre tout celle de la voiture-reine, et non de la « petite reine », des embouteillages monstres, de la catastrophe Vélib et de l’anarchie à trottinette — trottinettes dont le succès est, du moins en partie, attribuable au retard accumulé par la municipalité en matière de vélo.
Anticiper les nouveaux usages
Le projet de rénovation de la gare du Nord, et son futur parking à vélos vont donc contraindre la Mairie de Paris à accélérer la transformation de la ville pour l’adapter à la circulation des bicyclettes — d’autant plus urgemment que le prolongement des actuelles lignes de métro et les futures gares du Grand Paris vont charrier, au sein de la capitale, de nouveaux usagers. Car il ne suffit pas, tant s’en faut, de créer ex nihilo des milliers de nouvelles places de parking à vélo ; encore faut-il que ces cyclistes et leurs deux-roues n’obstruent pas les étroites rues parisiennes, qui n’ont pas été conçues pour favoriser les mobilités douces.
Au risque, sinon, de se retrouver dans la situation de Strasbourg, dont la gare est saturée de vélos, ou, pire, d’Amsterdam, dont le folklore à deux roues tourne pour ses habitants au « cauchemar quotidien » : avec près de 500 000 cyclistes par jour pour 800 000 habitants, les utilisateurs de deux-roues représentaient en 2009 près de six blessés graves sur dix. Pour ne pas sombrer dans les mêmes dérives et permettre aux usagers de la future gare du Nord de pédaler, sans risques pour eux-mêmes et les autres habitants, le maître-mot reste donc l’anticipation. Oui, trois fois oui, aux nouvelles places de parking à vélo ; mais à condition que la ville sache s’adapter en bonne intelligence à ces nouvelles mobilités douces.