C’était il y a presque 122 ans : le 19 juillet 1900, un métro se lançait pour la première fois dans les souterrains de la capitale. Que de kilomètres parcourus et de passagers transportés depuis, quand on réalise qu’une seule année en totalise 1,5 milliard ! Aujourd’hui, le métro parisien finit par montrer ses limites. En cause : l’explosion démographique et l’expansion géographique du bassin parisien que des infrastructures et un réseau datés ne peuvent plus accompagner de façon satisfaisante.
L’Ile de France se devait donc d’offrir aux Parisiens et aux Franciliens un service de métro résolument rénové, à la hauteur à la fois des attentes des usagers en termes de mobilité et de confort, mais aussi de la société française contemporaine en matière d’exigences environnementales. Pari tenu par le Grand Paris Express qui entend répondre à tous ces impératifs, tant par les rames de demain qui offriront une prestation de transport inédite, que dans les méthodes déployées par les différentes parties prenantes pour bâtir un réseau à la hauteur des ambitions de la région capitale.
Un métro nouveau : plus pratique, plus rapide et plus écologique
Le principal objectif du Grand Paris Express est d’offrir aux Franciliens des moyens de transport plus pratiques, plus rapides et plus fiables. Historiquement construit en « étoile », le réseau de métro parisien montre ses limites, notamment pour les habitants éloignés du centre. La plupart des déplacements entre périphéries passent en effet obligatoirement par le centre de Paris, ce qui engendre une congestion de celui-ci, et des détours longs et peu pratiques pour les voyageurs… Le Grand Paris Express, ses quatre nouvelles lignes et sa ligne 14 prolongée ont donc pour but principal de relier les périphéries entre elles pour éviter que les habitants aient sans cesse à passer par Paris pour se déplacer.
Le renouvellement passera aussi par le matériel roulant en lui-même qui, sur les lignes actuelles, malgré de fréquentes remises à niveau, pâtit d’une approche fortement contrainte par l’infrastructure existante et, rappelons-le, en partie centenaire ! Favorisées par le nouveau réseau en construction, les nouvelles rames devraient rouler jusqu’à 110 kilomètres/heure, contre 21 à 27 en moyenne pour les métros parisiens actuels.
Outre cette nouveauté radicale « raccourcissant » les trajets, plusieurs innovations spectaculaires devraient voir le jour sous la houlette d’Alstom, en charge de la réalisation des trains : freinage électrique jusqu’à très basse vitesse pour limiter l’usure des disques de frein, récupération de l’énergie de freinage pour recharger les batteries et l’alimentation du réseau électrique…
Évidemment, les trains offriront un confort inégalé jusqu’ici, et seront par ailleurs plus discrets, une attention particulière ayant été apportée aux émissions sonores, aux vibrations et aux émissions atmosphériques. Sur la ligne 18, plus petite que les autres et en partie aérienne, un troisième rail sera installé pour faciliter l’alimentation électrique des trains et limiter les nuisances sonores.
Le relayage mobile fera aussi son apparition afin de développer les usages internet dans les trains et les gares. Des récepteurs seront installés sur le toit des métros et, reliés à un réseau informatique, ils permettront d’accéder sans coupure à la 4G/5G. En comparaison, dans le métro parisien actuel, les récepteurs sont situés dans les gares, ce qui engendre des déconnexions fréquentes. La technologie, mise au point par l’équipe de recherche d’IMT Atlantique, rattachée au laboratoire IRISA, réduira aussi les émissions d’ondes électromagnétiques.
Enfin, avec leur architecture unique, les gares symboliseront également la modernité du projet. « Toutes partageront une ambition commune en termes de durabilité, de confort et d’écoconception : sols résistants, matériaux nobles, lumière naturelle, optimisation des volumes et de la matière, économies d’énergie… », rapporte la Société du Grand Paris.
Pour faire sortir de terre ces nouveaux bâtiments et creuser les galeries des futures lignes, la SGP a confié à une diversité d’acteurs du BTP la réalisation des travaux, marqués eux aussi par l’utilisation de nouvelles méthodes et de nouveaux matériaux.
À métro nouveau, méthodes nouvelles
La construction des nouvelles lignes de métro représente le plus grand chantier urbain d’Europe. L’esprit d’innovation qui préside à l’élaboration du produit fini est également le fil conducteur dans la façon dont le chantier est mené. En témoigne l’utilisation généralisée des tunneliers. « C’est une machine tout-en-un : elle creuse le tunnel et pose le futur revêtement constitué de voussoirs en béton, qui sont des éléments qui vont constituer des anneaux. Cette usine souterraine permet également d’évacuer les déblais qui sont excavés », détaille Alain Truphémus, directeur adjoint du projet de la ligne 16 à la SGP. Ces tunneliers, pour la plupart fabriqués par l’entreprise allemande Herrenknecht, présentent l’avantage d’être beaucoup plus rapides et moins dérangeants pour les riverains que les méthodes de creusement « à ciel ouvert ».
Initialement, le choix de construire les nouveaux métros en souterrain était loin d’être une évidence, mais il a fini par s’imposer pour éviter l’artificialisation des sols et donc préserver l’environnement. Au total, 90 % des chantiers du GPE se déroulent sous terre, et beaucoup plus profondément que les tunnels du métro actuel : jusqu’à 40 à 50 mètres de profondeur.
Comme l’explique Alain Truphémus, les tunneliers ne se contentent d’ailleurs pas de creuser : ils sont aussi chargés de poser les voussoirs, sortes d’anneaux servant à étayer les tunnels. Et, pour la première fois sur un chantier français, ces voussoirs sont entièrement réalisés en béton fibré. « Le béton fibré a divers avantages, dont celui d’abaisser les coûts et les délais de réalisation », précise Orso Vesperini, directeur général délégué de NGE, qui a eu la primeur de tester cette solution sur son lot. En supprimant le besoin de renforcer les voussoirs par des armatures d’acier comme c’est le cas pour le béton armé, le béton fibré limite l’utilisation de matériaux : en moyenne, on peut compter sur une économie de 5000 tonnes d’acier pour 10 kilomètres de tunnel. Ce qui en fait un matériau beaucoup plus écologique que son cousin le béton armé.
« Nous avons proposé à la SGP de mettre en œuvre cette technologie parce que le type de béton utilisé a un impact sur la planète », abonde Pascal Hamet, directeur du projet du lot 1 de la ligne 16 chez Eiffage Infrastructures, qui a transformé l’essai en passant à l’échelle industrielle. « Les voussoirs nécessitent 85 kilos d’acier pour un mètre cube de béton. L’utilisation de fibres permet de diviser par deux le tonnage d’acier ». Le béton fibré est aussi plus résistant aux microfissures et à la corrosion : grâce à la multitude de fibres présentes à l’intérieur des voussoirs, la corrosion se répand beaucoup moins facilement que dans le béton armé, sachant que l’acier se corrode assez rapidement au contact de l’eau et de l’air. Le béton fibré a donc des avantages écologiques évidents, tout en garantissant une meilleure solidité et durabilité dans le temps.
Les tunneliers évacuent, les entreprises recyclent
Dernière fonction importante des tunneliers : l’évacuation des déblais. Et sur le Grand Paris Express, ce n’est pas ce qui manque : 45 millions de tonnes de terres devraient être dégagées sur les quinze ans de durée totale des travaux. Plusieurs entreprises du BTP ont mis à profit leurs laboratoires de R&D et leurs chercheurs pour faciliter le diagnostic et la valorisation de ces déchets. «Il est essentiel de caractériser rapidement les matériaux pour pouvoir les trier, les segmenter, les évacuer en optimisant toute la chaine : extraction, transport initial, stockage intermédiaire, transport final et traitements les plus adaptés et les moins chers possibles en fonction de ce qu’on recycle », explique Guillaume Sauvé, le PDG d’Eiffage Génie Civil, dont l’entreprise a justement mis au point un nouveau dispositif permettant une identification rapide des matériaux contenus dans les terres. Cet outil, intitulé Carasol, est capable d’analyser la constitution chimique des déblais en moins de 2 heures — contre une semaine habituellement. « Carasol permet des gains de temps et une réduction de notre empreinte carbone et des frais de fonctionnement des chantiers », ajoute Pascal Hamet. Utilisé en combinaison des tunneliers, le dispositif est surtout utile pour limiter les emprises de surface et faciliter au maximum la valorisation des déblais.
Côté recyclage justement, on trouve notamment l’entreprise Yprema, une spécialiste du traitement des terres inertes. La PME francilienne estime pouvoir valoriser 400 000 tonnes de déblais par an, ce qui en fait un acteur incontournable du traitement des déchets du GPE — les autres compagnies du secteur présentant des taux de rendement en moyenne deux fois moins élevés. Son secret ? Sept sites implantés en Île-de-France, tout près des principaux chantiers du GPE. « La logique de sites de proximité [est] primordiale pour des types de chantiers comme le Grand Paris Express », estime François Przybylko, directeur commercial d’Yprema.
Enfin, d’autres acteurs du BTP n’hésitent pas à s’associer avec des startups, comme Demathieu Bard qui a signé un partenariat avec Cycle Up, une jeune pousse spécialisée dans le réemploi des matériaux. L’objectif de l’accord est de favoriser la valorisation des déchets de chantier en les intégrant à d’autres projets menés par le groupe français du BTP. Une méthode globale d’économie circulaire et locale qui devrait profiter à tous, à l’image du Grand Paris Express et des nouveaux métros.