Guillaume Guérard, Groupe Léonard de Vinci
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) devraient permettre de piloter les réseaux d’électricité de manière automatique, en temps réel et en limitant les coûts.
L’objectif premier de ces « réseaux intelligents » (appelés aussi smart grid) sera d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande en lissant la courbe de consommation pour limiter le recours aux centrales d’appoint ; ils cherchent également à favoriser et optimiser l’usage des énergies renouvelables, des batteries et des appareils intelligents.
Les premières NTIC, à l’image du compteur intelligent Spoony, offrent un avant-goût de la transformation des réseaux électriques. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises proposent l’installation de ces boîtiers gérés à distance qui permettent de réduire la consommation et d’être rémunéré pour l’énergie épargnée.
Quelle sera la place du consommateur dans le développement de ces innovations technologiques ? Quels avantages les usagers peuvent-ils en attendre à court et moyen terme ?
Une addition énergétique salée
Habitations et bâtiments possèdent de plus en plus d’appareils visant à améliorer notre confort : climatisation, appareils de contrôle à distance et chauffage électrique accroissent la consommation en électricité. Une hausse encore renforcée par la démocratisation des véhicules électriques, des capteurs de données, etc.
Or le réseau électrique actuel n’est pas adapté à une telle demande ; et l’apparition des énergies renouvelables chez le consommateur pose d’autres problèmes du fait que le réseau actuel a été conçu pour être centralisé et unidirectionnel.
Pour éviter une rénovation trop coûteuse du réseau, il est judicieux de passer d’un contrôle de la production à un contrôle par la consommation. Cette maîtrise de la demande d’énergie (MDE) désigne la possibilité de modifier la demande du consommateur à travers diverses méthodes : incitations financières (heures pleines – heures creuses), conduite du changement, ou encore gestion des appareils intelligents, énergies locales et batteries. La « demande-réponse » est une stratégie de MDE utilisant l’analyse des prix de l’énergie afin de piloter les appareils intelligents.
La MDE a pour objectif de limiter les pics de consommation, ce qui ne signifie pas diminuer l’énergie totale consommée. Si le réseau est bien dimensionné sur le plan de la production, le coût de l’énergie n’augmentera pas. Il pourra même baisser : une courbe de charge lisse couperait en effet le recours aux centrales d’appoints permettant d’assurer une énergie ayant un coût de production bas et constant tout au long de la journée.
On le voit, le réseau le plus efficace n’est plus concentré sur la production et la distribution de l’énergie : le consommateur y tient un rôle central dans le contrôle de l’offre et le demande. Le réseau est décentralisé, les actions étant gérées localement.
Consommateur et producteur
Les consommateurs vont donc devenir acteurs de leur consommation, voire producteurs en s’appuyant sur des moyens de production locaux (éoliennes ou panneaux photovoltaïques par exemple). L’électricité ainsi produite peut être consommée directement ou injectée dans le réseau.
Mais les énergies renouvelables produisent de l’électricité de manière irrégulière : ces productions décentralisées nécessitent donc une gestion intelligente (c’est notamment ce que propose Soleka) de leur consommation comme de leur production afin d’être intégrées au réseau.
Grâce aux compteurs intelligents, les consommateurs et les gestionnaires de réseaux connaîtront précisément la consommation et la production d’un bâtiment. Ces données sont aussi utiles pour le dimensionnement énergétique du bâtiment que pour la maîtrise énergétique.
Les fournisseurs d’énergie pourront donc proposer aux consommateurs de nouvelles offres selon leur profil de consommation, ainsi que de nouveaux services d’efficacité énergétique ou de maîtrise de la demande d’énergie.
Le smart grid constitue ainsi un réseau décentralisé et bidirectionnel, gérant à la fois le « consommacteur » et les producteurs.
Des appareils qui communiquent
Les techniques de maîtrise de la demande d’énergie se basent en grande partie sur la possibilité de gérer de manière intelligente les appareils consommateurs, producteurs ou les batteries pour un lieu donné.
Des programmes de « demande-réponse » permettront d’autre part d’infléchir la consommation électrique ou de la déplacer à des moments hors des périodes de forte demande, et cela en prenant en compte les usages du consommateur final. Dans les moments de consommation réduite, par exemple, il sera possible de profiter de l’électricité produite pour charger sa voiture électrique. L’utilisateur pourra, grâce à un tableau de bord connecté, renseigner ses préférences pour avoir une meilleure connaissance de sa consommation ou de ses habitudes.
L’enjeu principal réside ainsi dans l’implication des usagers afin qu’ils adaptent leurs profils de consommation à la variation des prix de l’électricité. Les innovations technologiques du secteur devront lui permettre de gérer les contraintes liées à l’intermittence des énergies renouvelables ou encore le développement de nouveaux usages, comme la mobilité électrique.
Voir grand
Le déploiement à grande échelle de l’efficacité énergétique et de la maîtrise de la demande d’énergie sont aujourd’hui essentiel au succès de la stratégie des 3×20 mise au point par l’Union européenne : diminuer de 20 % des émissions de gaz à effet de serre des pays de l’UE ; atteindre 20 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen ; réaliser 20 % d’économies d’énergie.
Dans ce contexte, les réseaux électriques actuels doivent absolument s’adapter pour devenir plus intelligents, plus réactifs et communicants. Ils permettront ainsi de faire face aux défis que constituent l’intégration des énergies locales renouvelables, la maîtrise de la demande en énergie, la gestion de la courbe de consommation et le développement de l’usage de la voiture électrique, des batteries et de la domotique.
Guillaume Guérard, Enseignant-chercheur, département « Nouvelles énergies », ESILV, Groupe Léonard de Vinci
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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